Téléphone du vent : converser avec ses morts

Publié le 10 septembre 2024

La cabine téléphonique du Mont de la Baleine

Japon, à deux pas de la ville d’Ôtuschi, dans la préfecture d’Iwate, au pied du mont de la Baleine (Kujira-yama), se dresse une cabine téléphonique. Non relié au réseau, le vieux combiné noir permet malgré tout de communiquer…. avec ses proches disparus.

Installée par Mr. Sasaki Itaru après le tsunami du 11 mars 2011 dans une des régions les plus touchées par la vague meurtrière qui suivit le tragique séisme touchant la côte nord-est du Japon, ce vieux téléphone emporte les voix des vivants dans le vent.

Depuis, chaque année, des milliers de japonais et d’étrangers se rendent en pèlerinage à “Bell Gardia Kujira-yama”. Sur les pentes abruptes de ces collines verdoyantes, dans le jardin de Monsieur Itaru, ils poussent la porte de la cabine, s’emparent du combiné, et s’adressent à leurs défunts.

Pour déposer leurs émotions, honorer une date anniversaire, exprimer à voix haute leurs ressentis, confier leurs doutes, espoirs ou souvenirs, … Si la ligne téléphonique est coupée, c’est le vent qui se charge de convoyer leur message.

Ce que nous confions au vent

C’est ce téléphone du vent qui a inspiré le livre de l’autrice italienne Laura ImaI Messina “Ce que nous confions au vent”. Dans cet ouvrage sur fond de résilience et de deuil, on y découvre l’histoire de Yumi, une journaliste ayant perdu sa mère et sa petite fille, emportées par la vague géante qui déferla sur la région en 2011.

Mais cette histoire a aussi inspiré un film, “The phone of the wind” (Kaze no denwa en japonais).

D’autres téléphones du vent

Crédit Photo @letelephoneduvent (via Facebook)

Le vent qui transporte symboliquement nos paroles vers les êtres chers disparus… une poésie qui parle à beaucoup ! Si les pèlerins qui rejoignent la cabine téléphonique japonaise sont des milliers, d’autres initiatives similaires ont vu le jour en Europe. En Suisse notamment, où Patrick Genaine a installé dans son jardin un autre “téléphone du vent”.

Ces cabines téléphoniques d’un autre genre sont désormais au nombre de 3 au Japon, une centaine disséminées à travers le monde.

Elles font le pont entre deux mondes.

Aidant les proches à traverser le deuil à leur manière, avec simplicité et poésie.